En France, les bailleurs privés jouent un rôle central dans l’accès au logement. Pourtant, malgré leur poids dans le parc immobilier, ils restent souvent les grands oubliés des politiques publiques. Le débat s’est récemment accéléré autour de la notion de « statut du bailleur privé », censée redonner de l’attractivité à l’investissement locatif… et structurer une filière qui manque de visibilité depuis la fin du Pinel.
Le contexte : entre sortie du Pinel et besoin de relance
La loi Pinel s’est éteinte définitivement en 2024. Son déclin, amorcé dès 2023 avec la réduction progressive des avantages fiscaux, a laissé un vide. Résultat : les ventes de logements neufs destinés à la location ont chuté de 40 % au premier trimestre 2025, comparé à la même période en 2024.
Malgré ses critiques, le Pinel avait le mérite d’exister et de cadrer l’investissement locatif dans le neuf. Or, face à une crise du logement accentuée, une offre qui stagne et une demande croissante, l’État cherche une nouvelle formule. D’où l’idée d’un statut du bailleur privé plus lisible et pérenne.
Le rapport Daubresse–Cosson : vers un nouveau modèle fiscal ?
Le 30 juin 2025, les parlementaires Marc Philippe Daubresse et Mickaël Cosson ont remis au gouvernement leur rapport intitulé Pour une relance durable de l’investissement locatif.
Ce statut de bailleur privé serait dédié aux propriétaires non professionnels de logements nus, imposés dans la catégorie des revenus fonciers. Il ne remplacerait pas les régimes existants mais proposerait un cadre fiscal unifié, incitatif et plus simple, reposant sur 5 mesures principales :
1. Un amortissement forfaitaire pour les logements loués nus de 5 % par an pendant 20 ans pour les logements neufs (hors terrain) ou 4 % par an pour les logements anciens, sous condition de 15 % de travaux.
Ce dispositif, bien connu dans le régime meublé (LMNP), serait inédit pour la location nue. Il s’appliquerait aux logements faisant l’objet d’une mutation à partir de décembre 2025.
2. Un micro-foncier plus accessible, avec un plafond qui passerait de 15 000 à 30 000 € et un abattement unique de 50 % (au lieu de 30 % aujourd’hui).
3. Des incitations ciblées pour les loyers abordables, avec un bonus d’amortissement (+1,5 %) ou d’abattement (+15 %) pour les loyers imposés en micro-foncier.
4. Un déficit foncier revalorisé, avec un plafond d’imputation porté à 40 000 €/an, contre 10 700 actuellement.
5. Une réforme de l’IFI et des plus-values, avec une exonération de l’IFI pour les biens loués à titre de résidence principale et une unification de la durée d’exonération des plus-values à 20 ans (contre 22 ans pour l’impôt et 30 ans pour les prélèvements sociaux aujourd’hui), en cohérence avec les durées d’amortissement proposées.
Un coût plus élevé que prévu ?
Le rapport évoque un coût de 457 millions d’euros par an pour les finances publiques. Mais une étude indépendante menée par le cabinet Asterès en juillet 2025 a fait l’effet d’une douche froide : le coût réel pourrait atteindre 1,76 milliard d’euros par an d’ici 2030. La raison ? Des effets de levier économiques jugés surestimés et un nombre de bénéficiaires beaucoup plus large que prévu.
En clair : si la production de logements ne progresse pas suffisamment, la réforme pourrait coûter bien plus que les bénéfices qu’elle est censée générer.
Un statut en gestation, une adoption incertaine
La proposition de statut du bailleur privé marque un vrai tournant : elle met fin à une logique de niches fiscales temporaires au profit d’un cadre lisible, stable et structurant. Pour les investisseurs, c’est un signal encourageant. Mais pour l’instant, ce n’est qu’un projet.
Cette réforme doit être intégrée dans les mesures du Projet de Loi de Finances 2026 pour être discutée à l’automne.
Reste une inconnue de taille : le financement. Le gouvernement devra arbitrer entre ambition politique et prudence budgétaire. Si les mesures sont jugées trop coûteuses, certaines pourraient être revues, différées… voire abandonnées.
À suivre.