La répartition de la valeur d’un bien immobilier entre le terrain d’assiette et les constructions qui y sont édifiées a des conséquences significatives sur le plan fiscal. La quote-part terrain n’étant pas amortissable, ce calcul va conditionner le montant des dotations aux amortissements. Le contribuable doit alors faire en sorte de déterminer le plus précisément possible la valeur économique du terrain, celle-ci pouvant être très différente selon la situation de l’immeuble, sa configuration ou encore son année de construction.

Les agents de l’Administration fiscale peuvent d’autant plus tenter des rectifications de la valeur du terrain inscrite en comptabilité que celle-ci sera incohérente. En cas de litige avec l’Administration, c’est à elle toutefois d’apporter la preuve que la valeur du terrain retenue par le contribuable est inexacte.

Un récent jugement rappelle l’importance d’une quote-part terrain cohérente

Rappel des faits

Le jugement du Tribunal Administratif de Dijon (17/01/23, n° 2100821) rappelle ce principe général, qui a été confirmé il y a quelques années par le Conseil d’Etat.

En l’espèce, le gérant d’une SCI soumise à l’Impôt sur les Sociétés (IS) avait retenu une quote-part de terrain égale à 15 % du prix d’acquisition total d’un bien situé à Paris 8e. A la suite d’un rejet de comptabilité, ce qui laisse augurer un certain laxisme dans la tenue de la comptabilité de la SCI, l’Administration a estimé que le terrain devait au contraire être évalué à 50 % de la valeur de l’ensemble immobilier. Elle a en conséquence reconstitué le bénéfice de la société en réintégrant les amortissements déterminés en application de ce ratio.

 

Rappel des méthodes

Comme nous l’évoquions dans un précédent article « Déterminer la quote-part de terrain d’un bien immobilier : Pourquoi et comment ? » le Conseil d’Etat précise que si l’Administration entend rectifier la valeur du terrain comptabilisée, elle doit apporter la preuve de l’inexactitude des valeurs retenues par le contribuable.  Elle peut pour cela utiliser 3 méthodes, et ce par ordre de priorité :

  • La comparaison avec des terrains identiques situés à proximité,
  • Le chiffrage du coût de construction et par déduction de celui-ci du prix de l’ensemble immobilier, la valeur du terrain,
  • La comparaison avec les valeurs comptables retenues par d’autres contribuables.

 

Dans son jugement, le Tribunal Administratif de Dijon relève de l’impossibilité d’appliquer au cas d’espèce les 2 premières, au vu de l’emplacement et de la période de construction de l’immeuble. Le juge valide donc le choix de l’Administration de recourir à des comparables comptables, mais rejette l’application qu’a fait l’Administration de ce principe.

Pour justifier ses rectifications, l’Administration mettait en avant 7 « comparables » du secteur de l’Etoile dont l’examen des bilans mettait en évidence des valeurs de terrains comprises entre 45 % et 68 % du total du bien, mais surtout des prix au m² qui allaient de 866 à 55.096 € !

 

Décision du tribunal administratif

Les juges donnent donc fort logiquement tort à l’Administration fiscale en estimant que les comparables n’étaient justement pas « comparables » en considérant que :

  • La zone géographique retenue était trop étendue,
  • Les époques de construction étaient différentes,
  • Les surfaces construites par rapport aux terrains d’assiette étaient également très différentes,
  • Les écarts en valeur au m² étaient trop élevés.

Par conséquent, l’Administration n’était pas cohérente ni exhaustive dans les détails de son approche. Son argumentation n’était donc pas fondée.

 

Conclusion

Même si la société s’en sort bien au cas présent, ce jugement est l’occasion de rappeler qu’il convient de porter une attention particulière :

  • à la tenue d’une comptabilité conforme aux attentes de l’Administration,
  • à la valeur attribuée au terrain en cas de location meublée (LMP/LMNP) ou pour une SCI à l’IS, que la location dans ce dernier cas soit nue ou meublée.

En effet, si l’amortissement de l’actif immobilisé constitue un avantage en location meublée et en SCI à l’IS, il convient d’estimer la valeur terrain de façon cohérente et de ne pas la minorer exagérément dans le bilan afin de maximiser les amortissements… et donc de réduire le bénéfice imposable.

En revanche, l’intérêt de cette décision est de rappeler que si la valeur du terrain est déterminée de façon cohérente et argumentée, l’Administration ne pourra que difficilement contester cette valeur. En effet, la valeur du foncier peut fortement varier d’un bien à l’autre, selon ses caractéristiques propres, ce qui rend difficiles les comparaisons.

Ainsi, en cas de contentieux, le contribuable pourra justifier de l’évaluation qu’il a retenue en se référant à d’autres données que celles qui sont invoquées par l’Administration pour démontrer, le cas échéant, que les calculs de l’Administration sont incohérents ou erronés.